Faciliter le suivi des cours en présentiel pour une élève malvoyante

Posté par: Living Lab Sofa

Valérie est une auditrice du Cnam Pays de la Loire depuis maintenant 2 ans. En contrat de professionnalisation dans la filière Ressources Humaine, sa vie d’auditrice s’articule entre des semaines de regroupement au Cnam et des semaines en poste, dans son entreprise.

Pleine de vie, avec un fort caractère (elle se définit ainsi), Valérie est en situation de handicap. Elle est atteinte d’une forte déficience visuelle. Cela ne l’empêche pas de travailler et de suivre les cours, au contraire ! Mais pour cela elle a dû s’outiller et mettre en place un certain nombre de stratégies.

En situation de formation : l’informatique au service du handicap

Le handicap de Valérie ne lui permet pas d’écrire sur une feuille de papier, elle prend ses notes et rédige ses écrits sur son ordinateur portable. Sans l’outil informatique, elle serait en incapacité de suivre les cours.

Il existe aujourd’hui différents logiciels pour les personnes déficientes visuelles qui vont permettre : le fort grossissement de l’image ou encore une assistance vocale.

Valérie n’est pas aveugle, elle arrive à travailler (lire et écrire) avec un fort grossissement, mais comme elle le signale : « cela me demande une attention et un effort important qui me fatigue vite, ainsi quand je suis seule, chez moi, je bascule sur l’assistance vocale pour me reposer les yeux »

La situation classique de cours : en classe avec les 30 autres auditeurs ne permet pas ce confort. Valérie sait que l’aide vocale va soit, déranger les autres, soit, être inaudible, s’il y a du bruit dans la salle.

Lors de leurs semaines de regroupement au Cnam, les étudiants sont 35 heures en face à face pédagogique. Valérie est parfaitement consciente des efforts que cela lui demande, et en ce début d’année 2017/2018 elle est venue dans le service Pédagogie et Digital pour nous faire part de son inquiétude.

Des pratiques de bon sens à mettre en place

Le Pôle Pédagogie et Digital du Cnam accompagne les formateurs du diplôme suivi par Valérie. Le pôle retravaille leurs scénarios pédagogiques pour proposer plus de méthodes actives et faciliter l’intégration du numérique dans leurs formations.

Valérie est plutôt enthousiaste de tout ce qui est numérique, mais plutôt inquiète des méthodes actives (même si elle en comprend l’intérêt pédagogique).

Des pratiques numériques à connaitre pour les formateurs

Plus les formateurs font usage du numérique, plus elle peut « bricoler » avec son propre matériel pour suivre les cours. Mais Valérie nous a tout de même signifié quelques règles que les formateurs doivent suivre pour qu’elle soit en confort :

S’agissant des supports de cours numériques :

  • Privilégier les supports types traitement de texte (Word) et les présentations type Powerpoint par rapport aux supports pdf. Ces derniers peuvent être mal encodés et le grossissement sur ordinateur en pâti.
  • Utiliser les feuilles de style des outils bureautiques lorsque l’on réalise son support : Titre 1, Titre 2, paragraphe etc… Cela permettra aux logiciels de synthèse vocale de faire une lecture correcte du document.
  • Eviter les schémas non-vectoriels, car le grossissement va les rendre illisibles.
  • Fournir le document support en amont de la séance de cours. Cela permet à Valérie d’en prendre connaissance et de suivre plus facilement lors de la séance. (NB, en séance, si vous faites usage d’un diaporama, il faut suivre le diaporama dans l’ordre sinon Valérie se perd dans le suivi du document).

S’agissant d’applications numériques en ligne, sur le web, utilisées en séance, comme des quizz (type Socrative), des murs virtuels (type Padlet).

  • Vérifier que l’application est adaptée aux handicaps visuels. En effet, il existe des normes à respecter pour la création de sites web et autres applications en ligne : le WCAG**. Seulement, comme le dit Valérie : « tout le monde n’est pas informaticien, le plus simple est que je teste au préalable et je peux tout de suite dire si c’est ‘ok’ ou ‘pas ok’ ».

Lorsque ces petites règles ne sont pas respectées, Valérie doit souvent demander de l’aide à ses camarades. C’est ce qu’elle fait, mais elle sait que cela leur demande du travail supplémentaire et ce n’est pas confortable pour elle.

Méthode pédagogique et confort d’apprentissage

Valérie nous a interpellés sur les méthodes actives. Elle comprend que privilégier l’échange et la pratique des étudiants a un réel intérêt pédagogique. Seulement, les activités « actives » peuvent la mettre dans l’inconfort.

Le travail de groupe va souvent générer beaucoup d’échanges et donc augmenter le niveau sonore dans la salle. Elle est, du fait de son handicap, très sensible d’un point de vue auditif. S’il y a trop de discussions, cela lui demande un gros effort de concentration. Dans ces situations, c’est souvent elle qui se retrouve à demander un peu de silence, ce qui est plutôt stigmatisant.

En méthode active, ce sont les élèves qui produisent des connaissances et souvent des livrables. Seulement ces derniers sont rarement informatisés, il est donc difficile pour elle d’en prendre connaissance.

Ainsi, pour la mise en place de séances en pédagogie active :

  • S’assurer que la salle est assez grande pour espacer les groupes de travail, ou alors prévoir 2 salles de travail. Cela sera plus confortable pour tout le monde.
  • Prévoir que les livrables soit numérisés et partagés en direct. Cela facilite le travail de Valérie et permet de garder traces pour tous les autres. Si le travail demandé n’est pas une production numérique, la prise de photos de qualité une fois le travail réalisé est souvent suffisant.

De la difficulté de suivre en direct

Tous ces conseils nous montrent qu’une personne comme Valérie a besoin de préparation et que les enseignements soient bien organisés en amont. Evidemment la difficulté pour elle est souvent ce qui va faire la richesse du présentiel : l’improvisation, la créativité, l’imprévu.

Durant l’année, Valérie nous a alertés sur sa difficulté de suivre un cours où le formateur n’avait aucun support de cours. C’est un enseignant expérimenté qui s’appuie principalement sur des exemples. Il est dans une posture plutôt magistrale proposant des méthodes interrogatives. Ainsi, son principal outil de travail est le tableau blanc où il va écrire, schématiser et synthétiser. Le problème est que malgré l’intérêt que Valérie peut porter au discours du formateur, elle ne peut pas suivre ce qui est écrit au tableau et elle finit par décrocher.

Néanmoins, nous ne pouvons pas reprocher à ce dernier qu’il ne fasse pas usage du fameux « powerpoint » dont la majorité des formateurs n’arrivent pas à se décrocher.

Ainsi, comment permettre simplement à Valérie de suivre ce qui est écrit au tableau ?

Plusieurs solutions se sont offertes à nous. Une première était de proposer que cet enseignement se réalise dans une salle de formation équipée d’un TBI (Tableau Blanc Interactif) qui enregistre et diffuse ce qui est écrit au tableau et ainsi permettrait à Valérie de tout suivre sur son propre ordinateur. Encore une fois une solution facilitée par les technologies numériques, mais qui nécessite un changement dans les pratiques du formateur. Cette solution avait plusieurs avantages : qualité des écrits, enregistrement audiovisuel du cours, et retransmission sur le propre matériel de Valérie. Mais, la solution a également des inconvénients : lourdeur du dispositif technique et surtout faire face aux potentiels freins du formateur (ce qui fût le cas).

Il fallait donc trouver une solution facile à mettre en place, qui ne change pas les pratiques du formateur et évidemment qui permette à Valérie de suivre le cours.

Nous avons filmé le tableau !

A l’aide d’une simple caméra, d’un cable HDMI et d’un écran, nous avons proposé une solution très simple à mettre en œuvre. La caméra filme le tableau (les 2/3 du tableau dans notre cas) et nous retransmettions l’image sur un écran 16/9 placé sur le bureau où Valérie était installée. La seule contrainte existante était pour le formateur d’écrire sur les 2/3 du tableau.

Cette solution s’est révélée parfaitement opérante.

En Conclusion

Valérie a le droit de pouvoir suivre l’enseignement qu’elle souhaite et en confort. C’est un devoir pour nous, Cnam, de lui permettre l’accès à cet enseignement.

Les solutions d’accessibilité ne sont pas contraignantes mais de bon sens et améliorent l’environnement de travail de toutes et tous (auditeurs en situation de handicap ou non).

Des processus de prise en charge du handicap doivent se définir et une sensibilisation de l’ensemble du personnel pédagogique doit être réalisée pour que les aménagements à mettre en place soient automatiquement proposés et assurés.

  1. Céline Laisné
    Céline Laisné
    at //Reply

    Merci pour cet article et ce retour d’expérience. Bravo à toute l’équipe du Cnam de faciliter l’accueil de personnes en situation de handicap dans les meilleures conditions. Bravo aussi d’accompagner les intervenants et les personnes en situation de handicap à trouver ensemble des moyens de rendre accessible la formation. Je suis persuadée que c’est justement en impliquant chaque partie prenante (personnes en situation de handicap, équipe pédagogique, pôle TICE et intervenants) pour partager les besoins et contraintes de chacun que des solutions peuvent être envisageables.

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