3/5 Les open badge au Cnam Pays de la Loire : premiers retours, la nécessité de donner du sens  

En novembre 2022, les alternants de licences ayant démarré leur alternance en septembre ont suivi les 3 premiers ateliers. Les futurs Manager de la Chaîne Logistique, qui ont démarré en octobre, ont suivi les 2 premiers ateliers. Enfin, les master RSE viennent de faire leur rentrée et ont également suivi les 2 premiers ateliers. L’atelier 2 sur l’éco-citoyenneté a été revue de manière plus experte au vu de leur niveau de connaissance sur le sujet, comme évoqué précédemment dans l’épisode 2. 

Pour les licences RH, la réalisation de l’atelier 3 centré sur la question de la reconnaissance ouverte par open badge a permis une première forme d’évaluation. Lors d’une réunion de l’équipe projet réalisée fin novembre 2022, les responsables de formation ont pu remonter les discours entendus et leur propre ressenti. 

Le manque de représentation 
Dès le début, les responsables de formations en charge de chaque promotion nous remontent à propos des badges qu’« Ils ne connaissent pas et n’en ont jamais entendu parler ». Ce qui est corrélé avec les réponses des alternants aux questionnaires distribués le jour de l’accueil. En plus de ne pas connaître, ils n’en n’ont pas d’image ou de représentation. Ils n’imaginent majoritairement pas ce que « open badge de reconnaissance » signifie.  

Ce manque de représentation est important à noter car lorsque l’on souhaite observer les usages d’un objet numérique (comme peut l’être un badge), il est important d’interroger les représentations, qui deviendront les premiers éléments de discours et influenceront les premières pratiques. Le manque de représentation observé ici nous indique que c’est au Cnam d’émettre les premiers discours et éléments de langage afin d’amener les premières explications et de leur donner du sens.  

Nous pouvons également noter qu’au début de la formation les apprentis avaient un discours sur les compétences de manière générale, sur les compétences transverses et informelles, ainsi que la manière dont les entreprises pouvaient ou non les reconnaître. C’est bien l’objet open badge qui posait ici question.  

Le manque de sens
Fin novembre 2022, les responsables de formations expriment le manque de sens chez les élèves : « Ils se posent beaucoup de questions, ils ont maintenant compris ce qu’était un open badge mais ils ne voient pas forcément où le Cnam veut les amener et si c’est très utile”.   

Au-delà de l’aspect « nouveau », ce manque de sens peut se justifier du manque de discours des équipes pédagogiques du Cnam. En effet cet « objet » et la reconnaissance ouverte sont nouveaux pour eux. Si nos responsables de formation se questionnent, alors les élèves se questionneront. 

Partir de ce que les apprentis souhaitent
Pendant 1 an, nous avons formé les équipes et affiné le dispositif. Nous avons travaillé en imaginant de futurs usages. Nous sommes partis des attentes des apprentis mais aussi des tutrices et tuteurs en entreprise. Nous les avons interrogés plus spécifiquement sur ce qu’ils attendaient en termes de reconnaissance et comment les open badges pouvait y répondre.  

Focus groupe révélateurs
En décembre 2022 et février 2023, 2 focus groupes ont été réalisés, respectivement avec des apprentis et avec des tutrices, tuteurs RH. Ces focus groupe ont duré 1h30, sur un temps convivial de repas et selon une grille de questionnement semi-directive réalisée en amont. 

“Qu’avez-vous retenu de ce que sont les opens badges ? Quels sont les freins pour vous à rentrer dans la démarche ? Qu’est-ce qui pourrait vous motiver ? Est-ce que se faire reconnaître des apprentissages hors diplôme vous semble intéressant et important ? Quel rôle peut ou doit jouer votre responsable pédagogique et votre tuteur entreprise ? ” 

Il ressort de ces focus group plusieurs éléments importants de ces rencontres.  

« La 1ère reconnaissance est le diplôme »
Les apprentis sont focalisés sur l’obtention du diplôme. C’est plutôt logique et les tuteurs RH interrogés sont venus leur donner raison puisqu’ils ont indiqué que lorsque l’on parle de reconnaissance, le diplôme reste le signal fort. C’est la chose qui est la plus regardée sur un CV et qui permet de reconnaître des compétences attendues. 

Cependant, d’autres formes de reconnaissances émergent aujourd’hui, comme les Open Badges, les micro-certifications, le e-portfolio, ou encore la notoriété sur les réseaux sociaux. 

« Les Open Badges ne sont pas reconnus au niveau national »
Les tuteurs entreprises comme les apprentis ont du mal à se projeter dans une démarche inconnue, non reconnue. Toujours dans une logique de diplôme, la reconnaissance des compétences se fait de manière certifiante, dans un cadre académique et national. L’idée d’une reconnaissance ouverte est sans référentiel n’a pas crédit ici.  

« Pas d’usage actuel, inconnu à ce jour »
S’il n’y a que peu de représentations alors il y a encore peu de pratiques dans leurs environnements et donc aucun usage stabilisé.  

Il y aura “usage” des open badges à partir du moment ou des ensembles de pratiques, dans des écosystèmes particuliers, se socialiseront (Plantard, 2010). Aujourd’hui, on voit émerger des pratiques dans le domaine de l’insertion ou de l’accompagnement des parcours. La formation professionnelle expérimente mais cela reste des niches. Pour les apprentis Cnamiens, Bac+3 à Bac+5, l’idée de l’open badge n’est pas une nécessité s’agissant d’employabilité, mais pourrait être un outil au service de cette dernière.  

« Imagination d’usage : pour candidater / pour recruter »
Les alternants pourraient utiliser les Open Badges pour candidater, et les tuteurs pourraient l’utiliser pour recruter. Les Open Badge pourraient être un outil de différenciation sur les CV. Ils pourraient attirer l’œil des recruteurs s’ils sont en accord avec les valeurs de l’entreprise mais aussi étayer la partie “loisirs” du CV qui d’après les tuteurs est “souvent un peu pauvre”. 

« Dubitatifs sur l’utilisation des « selfie badges » car la légitimité des personnes qui endossent est remise en question » 

Comme dit ci-dessus, la reconnaissance “ouverte” est difficile à légitimer pour eux. Il leur est difficile de donner de la valeur à la reconnaissance par les pairs lorsqu’il s’agit de formation et de compétence.  

« Besoin d’une reconnaissance par une personne expérimentée pour l’obtention d’un badge, avec une notion d’évaluation et de validation pour l’obtention » 

On retombe ici dans une logique certifiante, les apprentis attendent une reconnaissance de la part de leur responsable de formation et de leur tuteur entreprise.  

Adaptation du dispositif en cours d’année
Au vu de ces premiers retours, il était nécessaire de revoir notre approche et de ne pas s’enfermer dans un dispositif qui ne faisait pas sens. Ainsi nous gardons notre cap, mais le discours et les méthodes s’en voient modifiées. 

Un effort est réalisé pour différencier la logique de la reconnaissance certifiante comme le diplôme de la reconnaissance ouverte que permet les open badges.  

Du côté des master, il est proposé aux alternants de se reconnaître eux-mêmes une réalisation, de manière détaillée et, s’ils le souhaitent, que ce soit le Cnam qui émette le badge de leur choix. Tout cela dans une logique de confiance. 

Le début du travail entamé par les alternants, confirme alors que l’écriture de sa propre reconnaissance est un exercice pleinement réflexif, qui s’ancre parfaitement dans une démarche d’accompagnement et de portfolio. Le badge créé par un des alternants à l’été 2023 en est une parfaite illustration. Ce dernier se nomme “salarié en formation continue, un défi d’organisation et de management”.  

Du côté des licences, un atelier a été travaillé pour que les alternants obtiennent le badge “apprendre et travailler en mode collaboratif” (avril 2023). Ils ont été accompagnés à réaliser une analyse de situation qui vient faire la preuve “de leur capacité à “apprendre et travailler en mode collaboratif”.

L’exercice a été pour eux relativement complexe mais les bilans et évaluations de l’atelier sont positifs. Ils ont pu capitaliser sur une méthode d’écriture et d’analyse qui pourra leur servir dans l’écriture de leur rapport d’activité.  

En juin 2023, un dernier atelier, proposé aux alternants de licence RH, se centre sur la reconnaissance ouverte, comme il avait été fait avec les masters. L’exercice a plu mais, les licences, n’étant pas en position de mener des projets dans leurs structure d’accueil, leurs propositions sont restées très générales et conceptuelles. 

Vers 2 dispositifs… 

Les constats et évaluations de la 1ère année d’expérimentation ont apporté plusieurs informations : 

  • Pour les Licences, il faut une guidance forte et un projet de groupe proposé en interne par le Cnam qui permettra l’exercice de la reconnaissance.  
  • Pour les masters, les calendriers sont très chargés, les alternants étant eux même en responsabilité, nous pouvons centrer un travail de reconnaissance en fin d’année pour que chacun puisse capitaliser sur un projet ou une compétence développée de manière singulière en entreprise  

C’est ce qui sera proposé en 2ème année d’expérimentation.  

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