Toujours sur le front de l’alternance, Nadia et Nicolas ont cette année conçu et mis à disposition un passeport compétences pour les cursus du Cnam Pays de La Loire. Nadia revient aujourd’hui sur cet outil.
Livinglab : c’est quoi un passeport compétences ? et pourquoi l’avoir conçu ?
Nadia : Avec l’introduction progressive d’une Pédagogie d’Alternance Intégrative (PAI) au sein de nos cursus et les exigences de suivi et d’accompagnement introduites par la certification Qualiopi, les notions d’autonomie, de compétences, de réflexivité, de traçabilité sont plus que jamais au centre du projet pédagogique du Cnam en matière d’alternance.
Aussi, pour accompagner ces évolutions et outiller les acteurs de l’alternance (le triptyque alternant – tuteur entreprise – tuteur pédagogique), il était nécessaire de penser un support commun, capable de s’adapter aux spécificités des cursus, et répondant aux enjeux liés à la PAI et à Qualiopi.
C’est dans ce contexte qu’est né le Passeport Compétences. Composé de différentes fiches, il permet un usage adapté et différencié selon les besoins et spécificités des cursus.
Livinglab : à qui s’adresse ce passeport ?
Nadia : Même s’il est partagé avec les tuteurs (professionnels et pédagogiques) qui le consultent et le complètent régulièrement, le passeport compétences est avant tout personnel. Il appartient à l’apprenant qui l’alimente tout au long de sa formation, lui permettant ainsi de regrouper les informations liées à son parcours de formation, aux activités réalisées, aux analyses et observations formulées vis-à-vis de situations rencontrées et à son évolution. Il permet donc de consigner dans un document unique tout ce que l’alternant a vécu durant sa formation. L’objectif : mieux se connaitre soi-même (et garder trace) pour favoriser la construction de son identité (et donc de son projet) professionnelle.
Livinglab : quelle est la philosophie pédagogique d’un tel outil ?
Nadia : « Un langage commun : une entrée par les compétences professionnelles »
L’un des principaux objectifs de la PAI, est de (re)créer un lien de coopération entre les 2 terrains d’apprentissage, qui ne parlent pas toujours le même langage et ne partagent pas forcément la même vision, le même objectif ou les mêmes priorités, avec parfois un sentiment de décalage. L’alternance intégrative vise donc à recentrer leur relation autour d’un objectif commun, à savoir la montée en compétences de l’alternant.
Pour cela, le passeport offre une entrée par blocs de compétences professionnelles. Il s’agit d’adapter le référentiel de formation déjà existant afin de le rendre plus concret, plus accessible et plus tangible pour les entreprises.
Car c’est en parlant le même langage que nous pourrons avancer ensemble dans la même direction.
En début de formation, la fiche de positionnement préalable permet au tuteur entreprise de prendre connaissance du référentiel de compétences et d’identifier lesquelles seront développées dans le cadre des missions de son alternant. Pour les compétences non mobilisées ou développées dans le cadre de ces missions, il s’agira d’identifier des actions ou activités envisageables en entreprise.
De plus chaque bloc de compétences, composé de sous-compétences, fait l’objet d’une fiche qui sera dupliquée autant de fois qu’il y aura d’évaluations au cours de la formation (par exemple, en moyenne 3 évaluations pour un cursus de 1 an, soit avant chaque rendez-vous de suivi). L’objectif de cette fiche est multiple : l’évaluation, la preuve de la compétence par l’explicitation et l’accompagnement de la montée en compétences.
Livinglab : c’est une nouvelle forme d’évaluation ? plus formative ?
Nadia : En effet, il faut maintenant faire la place à la réflexivité dans nos cursus en alternance. L’importance de la réflexivité dans le processus d’apprentissage n’est plus à prouver. Elle a d’ailleurs été reconnue depuis peu (loi du 5 septembre 2018) comme une modalité pédagogique à part entière. Aussi, le modèle de PAI vise à renforcer la réflexivité dans les cursus en alternance en introduisant des séances dédiées (les REX) et en invitant de manière régulière les alternants à adopter cette démarche par le biais du passeport. L’apprenant dispose de 2 fiches spécifiques qu’il dupliquera autant de fois que nécessaire : la fiche réflexive Cnam et la fiche réflexive entreprise. Les 2 fiches sont à compléter par l’apprenant à la fin de chaque période concernée. Elles doivent amener l’alternant à se questionner sur ses apprentissages, ses activités, ses compétences, à analyser sa pratique et à faire du lien entre théorie et pratique. C’est donc également un précieux outil d’accompagnement à l’écriture du rapport d’activité ou du mémoire ! Le tuteur entreprise prend connaissance des fiches réflexives Cnam afin de garder le lien avec ce qui est abordé en cours et d’en échanger avec son alternant.
Livinglab : le passeport répond-t-il à d’autres enjeux ?
Nadia : Un autre enjeu de la PAI et de Qualiopi est la notion de suivi de nos alternants et de traçabilité de ce suivi. En d’autres termes, il est primordial de renforcer ou consolider notre dispositif d’accompagnement, de l’harmoniser et d’être en mesure de prouver un suivi régulier de nos alternants, à savoir à minima une visite sur site, un rendez-vous intermédiaire (au plusieurs selon la durée du cursus) et un rendez-vous bilan.
Le passeport compétences comporte des fiches spécifiques de préparation en amont et de synthèse (compte-rendu) à l’issue de ces rendez-vous.
Livinglab : pour finir, quels sont pour toi les points de vigilance et facteurs de réussite ?
Nadia : Tout d’abord, l’adhésion des parties-prenantes passe par la construction d’un référentiel de compétences clair, relativement concis, en adéquation avec les réalités du terrain. En effet, comment évaluer quelque chose que l’on ne comprend pas ?
Ensuite, le passeport peut sembler lourd et être perçu par l’alternant et le tuteur entreprise comme une charge de travail supplémentaire plutôt qu’un outil d’accompagnement. Aussi, il convient d’en démontrer très rapidement l’intérêt et de le présenter comme un outil d’aide au suivi pour le tuteur entreprise.
Pour conclure, je dirais que ces points de vigilance font références à 2 aspects essentiels à l’efficacité du passeport compétences : le sens que l’on donne à l’outil et l’intérêt perçu.
Source image : Plante, F. & Catalan, J. (2018). Nouvelle forme de professionnalisation et alternance intégrative: L’immersion, dite formation in situ, comme innovation pédagogique dans la formation des travailleurs sociaux, l’exemple de l’emap (La Réunion). Empan, 109, 74-81. https://doi.org/10.3917/empa.109.0074