Le Living Lab s’est entretenu avec Catherine, formatrice en gestion de organisations et en gestion de projet au Cnam Pays de La Loire au sujet de sa récente pratique pédagogique. Elle nous raconte.
J’apprends que ma séance qui porte sur les conditions du travail en équipe ne se fera pas avec tous les élèves de cette unité d’enseignement en salle. Cauchemar ! 7 élèves sur 17 seront à distance. J’ai beau retourner la situation dans tous les sens, pas moyen de les avoir sur Nantes. Ils participent à un atelier de partage de pratiques à Laval dans l’après-midi et il est trop tard pour changer le programme.
Je vais donc devoir animer un cours en « Co-Modal », c’est-à-dire avec un groupe en présentiel dans la même salle que moi et un autre groupe à distance en visio. Un scénario difficile à tenir d’après certains de mes collègues intervenants qui s’y sont exercés.
Pas de panique, animer un petit groupe dans une salle, je sais faire ; adapter mon cours prévu en présence et le basculer sur une modalité à distance, j’ai déjà fait. Ça demande des ajustements sur les choix d’activités ou sur la manière de faire participer chaque apprenant mais c’est possible. Mais les 2 en même temps ?
Comment s’assurer de garder chacun engagé dans son apprentissage individuel tout en gardant une dynamique de groupe dans ce contexte ? Comment favoriser la mise en pratique, la confrontation et la collaboration, autant de leviers favorisant l’apprentissage alors que les espaces d’apprentissages sont divisés ?
Cette séance est la clé pour permettre aux étudiants de comprendre ce qui se joue dans le travail en équipe : ce qui relève de la participation, de la collaboration, puis de la coopération. Dans le cadre d’un projet, par exemple, il est important d’identifier à quel moment il est plus sage de faire appel à l’une ou l’autre des dynamiques de travail d’équipe.
Ces notions sont tellement sujettes à interprétations et à débat que j’ai pour habitude de démarrer la séance par une activité de débat mouvant.
Pas moyen de changer d’activité, je dois adapter le format. Mais comment bénéficier des apports de cette technique de mise en mouvement et de mise en débat lorsque les participants ne sont pas dans le même espace ?
Je me souviens alors d’un conseil d’une amie formatrice de formateurs, « lors d’une animation pédagogique, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur le groupe d’apprenants ».
Donc si je veux que les élèves à distance participent et s’engagent dans les activités de cette séance, je vais confier aux élèves présents, un rôle de facilitateur/Intégrateur du groupe à distance.
J’ai donc attribué des rôles de tuteur-facilitateur du co-modal. L’objectif est de disposer de personnes relais dans le groupe pour m’assurer que tous les apprenants restent engagés et inclus pendant le cours.
Pour le débat mouvant, chaque élève a choisi un playmobil parmi ceux que j’ai présenté en début de cours. J’ai positionné une caméra mobile avec vue sur une feuille A3 comme celle-ci :
J’ai pris le temps de bien expliquer les consignes du débat mouvant : se positionner dans l’espace pour ou contre une affirmation et argumenter sa position pour faire bouger les autres.
J’ai invité les participants présents à positionner leur personnage sur la page symbolisant l’espace de débat, comme ils auraient pu le faire physiquement si la salle de cours était séparée en 2 avec une corde.
Les participants à distance nous ont indiqué leur position, leur playmobils ont été placés dans leur « camp ». Tout au long du temps de débat, le groupe en salle a bien joué le jeu de les questionner sur leurs arguments et ont déplacé leur playmobils si les positions et propos des uns ou des autres influaient sur leur avis.
En dépit de quelques moments d’hésitation et d’attente lors du choix des playmobils, mon expérience de débat mouvant en co-modal a pleinement atteint son objectif pédagogique. Le déroulement de l’activité s’est avéré presque aussi fluide que lors de mes sessions habituelles en présentiel. La richesse des échanges et les ajustements de points de vue qui en découlaient ont confirmé l’efficacité de cette approche.
Si jamais la situation se représente, j’envisage d’utiliser des personnages ou des playmobils moins connotés pour faciliter le choix des participants. Deux participants ne se sont pas beaucoup exprimé pendant l’activité mais cela aurait très probablement été le cas en face à face.
Cette aventure m’a rappelé que, même dans les circonstances les plus complexes, l’enseignant ou le formateur trouve toujours le moyen d’adapter ses activités au contexte de la séance.