Il n’est pas toujours facile pour un salarié de trouver du temps pour suivre des cours d’anglais. Pas toujours facile non plus de faire des liens entre les cours en formation et sa pratique professionnelle. L’idéal serait d’apprendre sans avoir à aller en cours… Un des enjeux de la réforme de la formation professionnelle est d’encourager les apprentissages en situation de travail (AFEST). Mais concrètement comment faire de la situation de travail un moment d’apprentissage et non plus la considérer comme le moyen « d’appliquer » ce qui a été vu en formation ? Est-ce à dire qu’on peut apprendre sans formateur ?
Retour sur une expérience menée par Anne Ewing, Responsable pédagogique langues étrangères au Cnam, dans le service de cardiologie d’un hôpital.
Les médecins et chefs de ce service se réunissent tous les mardis pendant une heure pour « un staff », une réunion pour étudier un article médical scientifique utile à l’exercice de leur profession. Une fois par mois, l’un des membres présente en anglais les données médicales d’une publication. « C’est un exercice nécessaire pour mieux maîtriser l’anglais et être plus à l’aise lors de congrès internationaux où tous les échanges se font dans cette langue », explique le professeur Patrice Guérin, à l’origine de cette initiative.
Mais les médecins ne sont pas tout seuls. Anne est présente à cette réunion qui devient un temps de travail ET de formation : « Au début un participant présente un article ou une recherche en anglais, les autres lui posent des questions… j’anime très peu au départ, j’écoute, je prends des notes… et à la fin je prends un quart d’heure pour revoir tout le vocabulaire qu’ils ont utilisé, les fautes et les erreurs de prononciation… je les interroge collectivement sur les corrections. Et lorsque je rentre au Cnam, je saisis tout le vocabulaire que nous avons vu ensemble et je fais un enregistrement audio des mots dont la prononciation a posé des difficultés ».
L’expérience a également été menée à distance lors d’un meeting entre des médecins français et des médecins Afghans. L’objectif était de faire un échange de pratiques et de savoir comment chaque pays traitait tel ou tel cas. Le principe était comparable : « on a fait la même correction collective à la fin, sauf que j’ai organisé une compétition Afghanistan against France, ils ont trouvé ça très amusant, et c’était aussi très apprenant, notamment sur la question des prononciations, qui varie beaucoup d’un pays à l’autre ! ». Anne précise que dans l’exemple présent, sa présence est possible parce que les protagonistes n’échangent pas d’informations confidentielles. Par ailleurs les médecins ont déjà un bon niveau d’anglais. Bien sûr cela demande la présence d’un formateur et un temps de debrief pour s’approprier les connaissances (voire d’un temps de travail ensuite pour revoir le vocabulaire ou la prononciation). Pour Anne, cette mise en situation professionnelle est plus apprenante ; elle permet d’adapter le vocabulaire à la situation professionnelle. Même sentiment du côté du commanditaire, d’autant que cela revêt un caractère très opérationnel : « Cela permet vraiment de dédramatiser la prise de parole. La conseillère anglophone facilite l’expression pendant la prise de parole, mais elle peut aussi aider un médecin à préparer sa présentation orale et écrite pour un congrès ».
Cette expérience s’inscrit bien dans la pédagogie de l’AFEST dont le principe est que les mises en situation de travail sont le matériau même de la formation. Elle ne renvoie pas à l’univers des apprentissages informels, qui s’effectueraient « magiquement » par la simple mise en situation. Elle répond bien aux critères de l’AFEST : un objectif professionnel expressément visé (ici communiquer des résultats scientifiques en anglais) et un accompagnement dans sa réflexion sur son activité (le retour de l’enseignante).