Les Open Badges au Cnam Pays de la Loire – épisode 1 – Premières hypothèses de travail et premiers badges

Posté par: Living Lab Sofa

L’avant-projet : les premières hypothèses

En novembre 2021, le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) des Pays de la Loire a démarré un projet d’innovation pédagogique qui avait pour objectif d’expérimenter la mise en place des Open Badges* dans des dispositifs de formation en alternance.
Ces open badges devaient permettre une nouvelle forme de reconnaissance pour les alternants, ce qui allait notamment faciliter leur employabilité.
En effet, le Cnam Pays de la Loire voulait reconnaitre à ses alternants leur capacité à Apprendre à apprendre, leur culture du numérique et également leur engagement écocitoyen. Ces capacités ou compétences, que l’on nomme aujourd’hui “transverses” ou aussi “soft skills”, peuvent être travaillées en formation, mais ne font rarement partie du référentiel des diplômes. C’était donc l’occasion pour le Cnam d’avoir un outil de reconnaissance des ateliers qu’il proposait aux alternants, et pour les alternants, un outil de reconnaissance à faire valoir auprès des entreprises, ce qui participerait de leur motivation à travailler ces soft skills et à leur future employabilité. C’était là nos premières hypothèses.
Evidemment, l’open-badge (OB) est un objet nouveau. En 2021, il n’y avait pas en France véritablement d’usages installés, et le sujet inspirait et suscite encore beaucoup d’imaginaires.
Or, quand on parle d’open badge, on parle de “reconnaissance ouverte”. Nous allions nous confronter certainement à un changement de culture. Comment une institution comme le Cnam, garant du savoir et émetteur de diplômes, pouvait s’emparer d’un objet qui a pour vocation de reconnaître l’invisible, l’informel ?

Nous démarrions alors ce projet avec un tas de questions pédagogiquement passionnantes :

  • Quelles seront les représentations des élèves ?
  • Le dispositif intégrant une démarche de reconnaissance par Open Badges permettra-t-il de créer les conditions de la motivation des élèves à travailler sur la question des compétences transverses de type soft skills ?
  • Quels vont être les critères des premiers usages ou non usages ?
  • En quoi les OB seront différenciants sur un marché du travail ?
  • Est-ce que cela peut renforcer une compétition entre les élèves ?
  • Dans quelles mesures, des usages des open badges permettraient au Cnam de réinterroger ses propres référentiels de compétences ?
  • Les OB vont-ils permettre de mettre en évidence des nouveaux contenus liés aux situations de travail que les élèves rencontrent et souhaiteraient valoriser ?
  • Est-ce que la reconnaissance de capacités développées de manière informelle a autant de valeur en termes d’apprentissage que celles développées dans un contexte académique ?
  • Etc…

Notre projet allait concerner près de 150 alternants de 7 promotions différentes. Cinq promotions de Licence en ressources humaines (RH), 1 promotion de Master en Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) et 1 promotion bac+4 de Manager de la chaine logistique (MCL).
Seraient donc associés à notre projet, des responsables de formation, des tuteurs pédagogiques**, et d’autres personnels du Cnam, qui devaient être “formés et acculturés” à la démarche de reconnaissance par open badges.

L’acculturation des parties prenantes : de nouvelles questions

En février 2022, le comité de pilotage du projet est constitué avec 15 personnes, à savoir : 7 responsables de formation, 4 tuteurs pédagogiques, 1 responsable de projet de culture scientifique et technique, 1 conseillère en accompagnement des parcours, 1 responsable du service d’accompagnement pédagogique, le tout encadré par 1 ingénieur pédagogique du Pôle Innovation du Cnam Pays de la Loire.

“La valeur”, la première des notions interrogées

En mars 2022, toute l’équipe de pilotage est acculturée aux open badges. Tout le monde est formé à la création d’un badge et sait maintenant de quoi il s’agit et comment ça fonctionne.

Quelques réactions commencent à émerger : “on risque de perdre la main, ça peut devenir la foire à tout et n’importe quoi !”.
En effet, ce système de “reconnaissance ouverte”, où chacun a la liberté de reconnaître l’autre, interroge beaucoup notre équipe pédagogique.
Cela fait apparaître de nouvelles questions : en quoi le fait de reconnaître quelque chose à un camarade a de la valeur ? Et même si c’est le Cnam qui délivre le badge, comment allons-nous évaluer ce type de compétences transverses, sur quels critères ?
Mais aussi de nouvelles hypothèses : “C’est l’occasion pour les élèves de s’interroger sur leurs propres compétences et sur ce qu’ils veulent mettre en avant les concernant.”
La confrontation à un nouvel objet, de surcroît numérique, est toujours la source de confrontation. Comme le dit Josiane Jouet, “l’appropriation est un procès” (Jouet, 2004).

“La dimension réflexive” de création des open badges

Entre avril et mai 2022, l’équipe projet du Cnam Pays de la Loire travaille sur les open badges qu’ils pourraient proposer aux alternants à la rentrée 2022/2023, s’agissant des capacités d’apprendre à apprendre, des cultures numériques et de l’écocitoyenneté.
15 propositions émergent d’un travail collaboratif conséquent. C’est là l’occasion pour chacun d’appréhender la dimension apprenante de création d’un badge.
Le simple fait d’interroger ce que je veux reconnaître permet de toucher la connaissance de près. En effet, c’est le moment d’interroger ce que signifie le badge, ce qu’il raconte, ce qu’il reconnaît, comment il le reconnaît, sur quels critères, sur quels éléments de preuves, comment est-il délivré, par qui, à qui, etc… Ces nombreuses questions, qui d’un point de vue technique ne sont que les métadonnées du badge, obligent un travail réflexif important. Or c’est justement ce travail réflexif que l’on demande à des étudiants de bac +3. Ils vont devoir passer de la description à l’analyse, surtout en alternance ; Ils seront invités à être en observation réfléchie (Kolb).

C’est dès cette phase de conception, que certains d’entre nous peuvent prendre conscience que la création d’un open badge peut permettre :

  • Pour l’alternant, d’être en observation réfléchie, en analyse de son expérience
  • Pour l’organisme de formation qu’est le Cnam, d’interroger ses référentiels, ses formes d’évaluation.

Il y a du sens à créer des badges. Mais y a-t-il du sens à les recevoir et à les posséder ?

Les premiers badges en réponse à l’hypothèse de l’employabilité et la question du rôle du Cnam

Fin mai 2022, l’équipe a sélectionné 5 open badges qu’elle testera à la rentrée à partir de septembre.

Ces 5 badges ont cherché à répondre aux hypothèses de la motivation des alternants à s’engager dans un travail sur les compétences transverses et sur celle de l’employabilité formulée dès le démarrage du projet, mais tentent également de répondre à la difficile question du rôle du Cnam dans la délivrance de ces badges.

  • Je m’engage dans l’éco-citoyenneté : deux termes sont ici importants. D’une part, “l’éco-citoyenneté”. Il est nécessaire pour un centre de formation comme le Cnam d’accompagner ses élèves dans les transitions sociétales et environnementales auxquelles ils font face en tant que salarié, futur cadre et plus largement citoyens. D’autre part, “je m’engage”. Aujourd’hui, nos responsables de formation ne sont pas experts du domaine, ils ont eux-mêmes besoin de se former sur ces questions de transition écologique. Aussi, ils peuvent accompagner et faciliter l’engagement, mais ne pouvant prétendre à une expertise sur le sujet, ils ne peuvent pas, au nom du Cnam, certifier d’une montée en compétence sur ce thème. C’est donc aux alternants que revient la mission de “s’engager”.
  • Je m’engage dans le numérique responsable : même remarque que sur le badge précédant. A noté que les responsables de formation pourraient, à termes, s’appuyer sur un travail en cours mené par le Pôle Innovation du Cnam sur le numérique responsable (sensibilisation des élèves à l’usage responsable du numérique).
  • Apprendre et travailler en mode collaboratif : ce badge répond à l’objectif du Cnam d’accompagner ses alternants à “apprendre à apprendre”. Il nous a semblé plus intéressant de focaliser l’attention sur l’apprendre ensemble, sur le travail d’équipe, qui reste une compétence transverse très recherchée par les entreprises. Contrairement aux deux premiers badges, les alternants devront faire la preuve de leur connaissance et de leur savoir-faire, s’agissant d’apprendre et travailler et mode collaboratif.
  • Usage professionnel de la bureautique : Nous parlons beaucoup des usages du numérique des 18-25 ans. Ils sont très centrés sur la communication, le partage et les échanges mais finalement peu sur des usages bureautiques pourtant demandés et nécessaires en entreprise. Pour beaucoup, cette technicité ne fait pas partie du référentiel de leur diplôme, et donc de leurs enseignements. Il nous a donc semblé pertinent qu’ils puissent demander l’obtention de ce badge en apportant la preuve d’un savoir-faire.
  • Ambassadeur du Cnam : c’est un badge qui vient reconnaître l’engagement de certains de nos élèves : celles et ceux qui participent aux salons professionnels, les délégués de classe, celles et ceux qui viennent témoigner ou participent à des focus groupe, toujours dans le but de promouvoir le Cnam et la formation tout au long de la vie.

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