Les intelligences artificielles (IA) génératives vont-elles transformer les enseignements à distance ? Le Living lab Sofa a déjà évoqué plusieurs usages de l’IA en formation : la génération de quizz ou de jeu de rôle par exemple ou la mise à disposition de chatbot. Dans cet article, un enseignant du Cnam nous raconte comment il l’a utilisé pour mieux illustrer son cours, en ayant notamment recours à des images générées par l’IA.
Jacques Rolland est incollable sur l’histoire de l’informatique et de l’enseignement à distance. Il faut dire qu’il en est l’un des pionniers. Il a connu les premières plateformes de “télé-enseignement” (Plei@d) et a contribué à leur développement. Aujourd’hui, il enseigne l’Unité d’enseignement GLG 15 Génie Logiciel. On ne s’étonnera donc pas qu’il se soit particulièrement intéressé aux apports de l’IA. Toutefois son expérience montre qu’il n’est point besoin d’être un expert de l’informatique pour l’utiliser. L’usage en est simple, encore faut-il respecter quelques règles qu’il nous rappelle ici (au risque, sinon, de voir son smartphone chauffer !)
Image générée par l’IA, librement inspirée de son auteur |
L’IA comme aide à la reformulation
Jacques a profité d’une actualisation de son contenu de cours pour travailler le style et la forme de ses ressources écrites. « Le premier usage que j’ai eu de l’IA, c’est une aide à la reformulation et à la mise en forme de mon cours. J’avais par exemple des énumérations qui n’étaient pas très explicites dans mon contenu. J’ai demandé à ChatGPT de les développer et de les clarifier. J’avais aussi quelques lourdeurs ou imprécisions dans le style, là aussi ChatGPT m’a fait des propositions alternatives. Parfois, à l’inverse, je lui ai demandé de synthétiser certains paragraphes un peu trop détaillés. Avec la version 4 de ChatGPT, j’ai pu aussi lui demander de citer des sources, d’apporter des références à des auteurs ». Evidemment, ce travail était rendu possible car Jacques a une haute expertise du domaine : il est en mesure de repérer les éventuelles erreurs que pourrait proposer l’IA. « J’ai eu des réponses très rapides et presque toujours pertinentes, poursuit Jacques. Cela apporte un réel service, utile et rapide pour actualiser mes contenus »*.
L’image pour enrichir l’expérience d’apprentissage
Au-delà du texte, les images peuvent également apporter une réelle plus-value à un cours : l’enseignant peut s’en servir pour visualiser des idées abstraites ou complexes par exemple, mais elles permettent aussi de rendre les cours plus dynamiques, augmentant ainsi l’engagement des apprenants. Jacques a vu dans l’IA la possibilité de gagner du temps pour les produire**. « Je voulais illustrer mon cours par des images et le rendre plus attractif au travers d’illustrations, explique-t-il. Je disposais de peu de temps pour le faire. C’est pourquoi j’ai eu recours à l’IA. L’idée était de ponctuer le cours avec un personnage récurrent que je mettais dans des situations différentes selon le propos porté. Parfois, j’avais recours à l’humour pour retenir l’attention des apprenants, c’est comme ça que j’ai demandé à l’IA de me générer une image de la Joconde devant un ordinateur par exemple ! ».
Des illustrations colorées et humoristiques peuvent capter l’attention et rendre l’apprentissage plus plaisant. Et l’IA ouvre de nouvelles perspectives en générant très facilement des images personnalisées. Encore faut-il être précis dans la demande qu’on lui fait, sinon on risque d’avoir des surprises !
Un exemple d’usage personnalisé
Autre atout de l’IA, la personnalisation de l’image. Jacques a créé un personnage comme fil rouge de son cours. « Au départ je voulais une image de « geek » pour illustrer le contenu de mon cours. J’ai demandé à l’IA : “je veux un geek avec une barbe, assis devant son bureau, il est devant son ordinateur et il regarde son smartphone en flamme”. L’I.A m’a proposé deux images, et je pouvais choisir ou lui en demander une autre. Et finalement, j’ai décidé de garder le personnage et de le décliner dans différentes situations, simplement en précisant le contexte ou en qualifiant ses expressions. Le prompt est devenu par exemple : peux-tu faire un geek “exaspéré” ou “surpris”. Et cela restitue une image encore plus expressive qui intègre ce sentiment. Il n’y a pas de limite dans l’imagination ! ».
« C’est un véritable gain de temps, précise Jacques ». Avec l’IA, les images peuvent être rapidement ajustées ou modifiées pour corriger des erreurs ou pour s’adapter à des contextes pédagogiques variés. Cela offre une flexibilité inégalée par rapport aux images statiques traditionnelles. « Si j’avais dû les dessiner, j’aurais passé des heures s’exclame Jacques ! Là, l’IA me fait une proposition en quelques secondes. Et cerise sur le gâteau, elles sont libres de droit ! ».
En fait, même si les images générées par IA sont techniquement libres de droits, il peut y avoir des considérations éthiques dans leur usage, notamment si l’IA a été formée sans autorisation sur des œuvres protégées par des droits d’auteur. Cela peut poser des questions sur la légitimité de l’utilisation de ces images, y compris dans le cas où elles ne sont pas protégées par les droits d’auteur.
L’importance du prompt
Comme pour tout usage de l’IA, la capacité à bien formuler le prompt est fondamentale pour générer des images. « Il faut prendre du temps pour bien formuler ce que l’on veut, il ne faut pas rester aux premières propositions, et préciser ses demandes. Le résultat qu’on va obtenir est guidé par les mots qu’on emploie, il faut réussir à formuler l’orientation qu’on veut donner à l’image. On peut modeler la scène qu’on veut. Et là, on obtient vraiment des belles propositions, c’est gratifiant. On est vraiment assisté. Il suffit souvent de deux ou trois reformulations pour améliorer la proposition ou la rectifier ».
Un prompt bien formulé sert de guide précis à l’IA, lui permettant de comprendre et de traduire fidèlement les attentes de l’utilisateur en une image. Un prompt détaillé et clair fournit des indications spécifiques sur le sujet, le style, les couleurs et d’autres éléments visuels, réduisant ainsi les risques de résultats imprécis ou inappropriés. En optimisant la qualité et la clarté du prompt, on améliore non seulement la pertinence et la qualité de l’image générée, mais on gagne aussi du temps en réduisant le besoin de multiples itérations pour obtenir l’image souhaitée. Un bon prompt est donc essentiel pour maximiser l’efficacité et l’exactitude du processus de génération d’images par l’IA.
Autrement dit, comme le rappelle encore Jacques en citant Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». C’est aussi vrai pour utiliser l’IA.
* A noter d’ailleurs qu’une partie du texte de cet article a été écrite avec l’aide de ChatGPT !
** voici quelques applications gratuites pour générer des images avec l’Intelligence artificielle : Adobe Firefly, Stable diffusion, Playground…