Apprendre en jouant : le dernier né des serious games du Cnam

Posté par: Living Lab Sofa

Le milieu des années 2000 a vu l’émergence en France d’un attrait particulier pour les serious games de type ludoéducatif.  Ces jeux sérieux ont fait leur entrée dans l’entreprise et ont investi le champ de la formation professionnelle. Mais jouer à des jeux vidéo au travail, même à des fins d’apprentissage, est-ce bien sérieux ? Le Cnam y croit et sort en avril un nouveau serious game, consacré à la diversité culturelle. L’occasion de revenir sur les mécanismes et les conditions d’usage d’un tel outil en formation.

Un serious game sur la diversité culturelle

Le Cnam Pays de la Loire, en partenariat avec le Cnam Auvergne-Rhône Alpes et des entreprises nationales, vient de sortir son dernier serious game : il porte sur la diversité culturelle. Pourquoi existe-t-il des discriminations au travail liées à la culture (apparence, patronyme, origine…) et comment les réduire ? Comment traiter du fait religieux en entreprise ? Quelles sont les conditions pour bien travailler avec des personnes de cultures différentes ? Qu’est-ce que cela peut apporter en terme de performance ? Telles sont quelques-unes des questions qui y sont abordées.

Il s’inscrit dans une série de 4 serious game qui sont notamment utilisés dans les formations des filières RH mais aussi pour traiter des questions de management au travail.

Un jeu dont vous êtes le héros et un super pouvoir !

Vous êtes dans la peau du personnage de Judicaëlle, vous venez d’arriver depuis trois semaines dans un service informatique d’une entreprise de biotechnologie et vous devez faire face à des attaques de virus informatiques ! Vous devez organiser le travail et motiver l’équipe pour sécuriser le réseau. Evidemment, pour corser le jeu, votre progression est liée à des indicateurs de stress dans la conduite du projet et de popularité auprès de vos collègues.

La thématique est convoquée au cours du jeu et les stéréotypes des protagonistes vont ralentir la collaboration. Le joueur doit opérer des choix d’actions pour réussir sa mission. Heureusement, pour l’aider, il a un super pouvoir… l’effet SecretCAM, l’effet caméra secrète : il y a un bug dans le système informatique et le joueur peut entendre et voir tout ce qui se passe dans le bureau de ses collègues, sans qu’ils ne le sachent. Ce concept dramaturgique, certes pas du tout moral, donne au joueur la possibilité de voir et d’entendre en caméra cachée ce que le sociologue Ervin Goffman appelle les coulisses de la mise en scène sociale. En coulisse, les individus sont tels qu’ils sont, les masques tombent et le serious game met en exergue des réactions non prescrites par la norme sociale bienveillante pour faire émerger les vraies problématiques identifiées.

Les situations auxquelles le joueur sera confrontées, les dialogues et les contenus, l’invitent à adopter une posture réflexive quant à son regard sur le sujet traité.

Apprendre en jouant

Le jeu a été testé auprès d’une quarantaine de salariés du cnam ou des partenaires qui ont contribué à son financement (EDF, Direccte, Semitan…). Les participants ont ensuite été interrogés sur la manière dont ils avaient vécu cette expérience. Il en ressort d’abord, pour 80% d’entre-eux le sentiment d’avoir appris des choses, la même proportion d’apprendre en jouant (Goffman E., ouvrage, La Mise en scène de la vie quotidienne, réédition aux Editions de Minuit, 1996 (1ère édition 1959, traduction française 1973).

 

Les autre résultats de l’enquête montrent que les intérêts pédagogiques de telles applications sont multiples : implication par l’immersion dans un jeu dont on est le héros ou l’héroïne ; simulation de situations proches du réel et difficiles à reproduire dans la réalité ; convocation du registre émotionnel pour questionner l’utilisateur; motivation grâce au recours à la ludification, au story telling et au défi ; ou encore rétroaction pour un apprentissage par essai-erreur où les craintes liées à la prise de risque sont levées.

Le serious game pour changer le regard

Le choix de serious game s’avère particulièrement pertinent pour aborder des questions comportementales. Il permet d’abord de libérer la parole et de favoriser le questionnement individuel et collectif sur la thématique. Il participe ensuite à changer le regard sur l’autre qu’on ne connaît pas, l’autre qui parfois fait peur. Il permet enfin de faire évoluer de manière ludique les représentations et stéréotypes sociaux convoqués au travail, source de discrimination, de malentendu. Comme l’explique une enseignante qui l’a testé, « Le Serious Game est un outil de formation pertinent pour amener un questionnement des apprenants en les confrontant à des situations qu’ils connaissent mais dans lesquelles ils n’avaient pas eu la possibilité de prendre des responsabilités. En parlant des personnages, ils peuvent se projeter et parler de leur propre expérience, sans risque de se sentir jugé par les autres ».

Ce que confirme les résultats de l’expérimentation menée pour le dernier SecretCAM : 70% déclarent avoir changé de regard sur la question de la diversité. Et globalement, les dimensions ludiques et pédagogiques ont bien été perçues par les participants.

Inscire le serious game dans un dispositif formatif

Même si le jeu participe du changement de regard et de comportement, il ne suffit pas en soi. Il doit être utilisé dans un cadre formatif. Les expérimentations menées tant au Cnam que dans des entreprises partenaires montrent, s’il en était besoin, qu’il est important de consacrer un temps au débrief de l’expérience, l’occasion de déconstruire les clichés mobilisés dans le jeu et de s’assurer que toutes les notions sont bien comprises.

Le Cnam a développé une valise pédagogique qui permet au formateur non seulement de s’approprier les contenus, mais aussi de revenir sur certaines vidéos de manière isolée pour approfondir certains des thèmes.

Lancement officiel en juin 2018 !

Vous avez envie de jouer ? Demandez un accès pour une partie gratuite en commentaire !

  1. Céline Laisné
    Céline Laisné
    at //Reply

    Bonjour à tous,
    Merci et bravo pour cet article et ce retour d’expérience sur l’usage du serious game pour sensibiliser à la diversité culturelle, sujet important pour faciliter l’intégration et la collaboration entre étudiants et/ou professionnels.
    Je suis, moi aussi, convaincue de l’intérêt des jeux pédagogiques notamment pour développer les compétences personnelles, plus communément appelées les “soft skills”.
    De plus, je partage votre point de vue concernant la nécessité de débriefer pour décupler les apports pédagogiques et ancrer les apprentissages.
    Je serais ravie de découvrir ce jeu. Pourriez-vous s’il vous plait me transmettre l’accès.
    Bonne journée

  2. AMAURY FRANSSEN
    AMAURY FRANSSEN
    at //Reply

    Bonjour Mme, M,

    Je suis trés intéressé par les serious game, notamment dans le cadre de la formation que j’entame au CNAM : DUT GEA option Finance-comptabilité.

    J’aurai aimé savoir si il existe chez vous ou ailleurs (à défaults), des jeux sérieux et engageant afin d’apprendre la comptabilité, la finance ou le droit. Je suis sûr que c’est techniquement possible, j’ai moi-même eu des idées fertiles mais je n’ai pas de connaissance en programmation donc je n’ai rien lancé dans mon domaine d’étude initial (Bac+
    4 Droit).

    J’ai cherché l’an dernier partout un jeu sur la Finance car j’ai entamé le cours du DCG sur la Finance. Je lit aussi beaucoup sur les neurosciences et l’apprentissage: apprendre avec un sérious game me permettrait de constater d’importants changements dans ma capacité à apprendre. Pourriez-vous m’indiquer des liens ou si il y a un projet afin que je reste informé ? Je vous remercie beaucoup d’avance, Bien cordialement.

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