Nicolas Thibault est ingénieur pédagogique au Pôle innovation du Cnam Pays de la Loire. Depuis un peu plus d’un an, il pilote un projet, dans le cadre d’un plan d’investissement d’avenir. L’objectif est d’accompagner la professionnalisation des alternants par la valorisation des compétences transverses à l’aide d’open badges. C’est une première au Cnam Pays de la Loire et 7 promotions sont engagées dans cette expérimentation.
Un an après le démarrage du projet, nous faisons un premier point.
Living Lab : peux-tu nous rappeler l’histoire, les enjeux et les objectifs de ce projet ?
Nicolas Thibault : Ce projet est l’une des 8 sous-actions du PIA 3, France 2030 « Ingénierie de formations professionnelles et d’offres d’accompagnement innovantes » porté par le Cnam Pays de la Loire en partenariat avec 5 acteurs économiques de la région.
Le projet consiste à intégrer la démarche d’open badge dans un dispositif d’accompagnement des alternants impliquant notre centre Cnam et l’entreprise de l’alternant.
L’hypothèse est que la mise en œuvre de ces open badges doit permettre aux alternants de faire reconnaître des apprentissages, des compétences, des actions, qu’ils ont acquis ou menés de manière informelle tout au long de l’année indépendamment d’une validation académique. Or ces éléments participent pleinement de leur identité professionnelle.
Living Lab : Pour résumé, et pour nos lecteurs, c’est quoi les open badges ?
Nicolas Thibault : Un Open badge (OB) est un fichier image (Png) qui contient une série d’informations sur ce que reconnaît ce badge, à qui il appartient, comment il en a bénéficié, selon quels critères et qui en est l’émetteur. Tout comme le diplôme reconnaît un niveau de qualification de manière formelle et académique, le badge peut reconnaitre des apprentissages ou des compétences acquises de manière informelle ou non formelle ; reconnaitre également une participation, un engagement. Je pourrais en dire beaucoup, mais je vous renvoie sur le site https://openbadges.info/ pour tout savoir.
Living Lab : Que s’est-il passé durant la première année ?
Nicolas Thibault : L’enjeu était d’avoir un dispositif prêt pour la rentrée de septembre 2022. Ainsi la première année s’est découpée en plusieurs étapes :
Etape 1 : Constituer l’équipe projet. L’ensemble des responsables de formation, les tuteurs pédagogiques et également des personnes ressources ont été sollicités. Cela représente une quinzaine de personnes.
Etape 2 : Acculturer l’équipe. En effet, il a fallu former les membres de l’équipe à la démarche de reconnaissance par open badge et donner du sens.
Etape 3 : Construire l’ingénierie du dispositif. Ensemble nous avons interrogé les thématiques transverses que nous souhaitions aborder dans le projet : le numérique et la bureautique, l’apprendre et le travail en mode collaboratif et l’écocitoyenneté. Nous avons imaginé et conçu les open badges en lien avec ces sujets puis ancré ces derniers dans un dispositif d’accompagnement pour chacune des promotions.
Etape 4 : Démarrer l’expérimentation
Living Lab : A quoi ressemble ce dispositif au final ?
Nicolas Thibault : Pour le moment, le dispositif représente 15h d’accompagnement, découpées en 6 ateliers tout au long de l’année. La question des badges et de la reconnaissance sont abordées dès le début de l’année, puis rapidement des ateliers sur le travail collaboratif et l’éco-citoyenneté ont été menés.
Certains badges, comme l’éco-citoyenneté, ont été pensés comme des badges d’engagement et sont émis (aux alternants de les accepter), pour d’autres, les alternants devront apporter des preuves au cours de l’année et en faire la demande.
L’idée est aussi d’amener les alternants à se questionner sur ce qu’ils aimeraient se reconnaître entre eux.
Living Lab : L’expérimentation a débuté. Quelles sont les premiers retours ?
Nicolas Thibault : 5 promotions, des licences RH, ont en effet démarré en septembre et les alternants ont vécu les 3 premiers ateliers qui se sont bien passés. « Ils jouent le jeu » comme me le remontent les responsables de formation. D’ailleurs plus de 60 ont accepté un premier badge « je m’engage dans l’écocitoyenneté » et ont également créer leur compte sur la plateforme open badge passeport. Cependant même s’ils jouent le jeu, et qu’il y a de la curiosité vis-à-vis de cette démarche, nous sentons qu’elle ne fait pas pleinement sens pour eux. Peut-être, sommes-nous allés un peu vite. En licence, l’identité professionnelle est en construction. Prendre conscience de ses compétences, se mettre dans une démarche réflexive met du temps ; ce n’est pas leur habitude. Nous sommes donc en train de revoir nos manières d’aborder le sujet avec eux. C’est d’ailleurs le but d’une expérimentation. Le dispositif n’est pas figé dans le marbre et nous devons le mettre à jour en temps réel, en fonction des remontés de terrain.
Living Lab : Quelle est la suite du programme ?
Nicolas Thibault : Comme je le dis, maintenant c’est le temps des premières évaluations. Nous allons questionner les usages et les non usages des open badges, mais aussi dans quelle mesure la reconnaissance d’actions citoyennes ou apprenantes menées dans des cadres informels peut participer de leur identité professionnelle. Des entretiens et « focus group » sont donc en cours de réalisation.
De plus, la logique de la reconnaissance par open badges est encore très méconnue des entreprises, il y a là un enjeu. Avec son panel de 150 alternants engagés dans le projet, Le Cnam Pays de la Loire est bien placé pour interroger les entreprises sur cette démarche de reconnaissance ouverte.
Ils nous restent 2 ans d’expérimentations. Affaire à suivre.